Photographe
Synopsis :
Un rapprochement ludique entre courbes statistiques et photographie argentique, avec une pincée d’humour et un soupçon de poésie.
Note d’intention :
Les courbes et graphiques statistiques envahissent des territoires de plus en plus vastes de l’expérience humaine. Cette approche numérique du monde est souvent présentée comme neutre et objective. J’ai voulu interroger cet univers statistique en le rapprochant de ma pratique : la photographie.
La démarche peut paraître incongrue. Les points communs s’avèrent pourtant nombreux :
la forme visuelle tout d’abord. Ensuite, dans les deux cas, il y a un choix de sujet, de cadre, de format, de ce qu’on inclut et de ce qu’on rejette dans le hors-champ. Un choix d’échelle de temps qui fige dans l’éphémère de la conjoncture ou au contraire donne à voir une profondeur historique. Un choix de point de vue et de focale qui peut dilater l’échelle pour construire une perspective particulière. Enfin, une légende qui oriente la lecture.
Pour mettre en image cette analogie, j’ai choisi la photographie argentique, comme une forme de résistance à la pratique numérique. Trois appareils, de trois générations succcessives (1963, 1981 et 1996) et de trois formats : panoramique (24×65), carré (6×6) et 24×36. Des photographies prises dans mon quartier, dans les escaliers des pentes de la Croix Rousse à Lyon, entre 2013 et 2017. Le fruit d’un long repérage de la course du soleil au fil des mois et des journées, pour capturer l’instant décisif, durant lequel le soleil projette sur les murs une ombre de la main courante qui longe chaque escalier. Une ombre dont la forme révèle l’écart avec l’apparence de la main courante, avec la volonté de semer le doute chez le spectateur.
Pour compléter l’analogie visuelle entre mes photographies et les statistiques, la bande son ajoute une 3eme similitude : les partitions musicales et leur ligne mélodique. La musique choisie est l’introduction de l’Offrande musicale de JS Bach. Ce thème aurait été joué à la flûte par Frédéric II, roi de Prusse, qui aurait ensuite demandé à JS Bach de composer des variations à partir de cette mystérieuse mélodie.
Ce choix musical est une façon de faire écho à la promesse de F. Hollande, lors de ses premiers voeux aux français fin 2012, d’inverser la courbe du chomage. En effet, ma série peut aussi être lue comme une variation artistique autour de cette promesse politique. Le thème royal de la bande son est interprété successivement sur 3 instruments, de 3 générations différentes : une guitare électrique, un clavecin et un grand orgue.
Entre les séquences instrumentales, deux voix (un homme et une femme) prononcent successivement :
– une série de noms, puis d’adjectifs, empruntés au vocabulaire économique ou boursier. Ces noms et adjectifs sont prononcés à voix haute, à voix basse et chuchotés, puis montés en forme de fugue
– une série de phrases prononcées en chuchotant, composées de ces mêmes noms et adjectifs, mais complétés par des objets faisant déraper la légende sur un terrain humoristique et poétique.
Réalisation, photographies, montage : Pierre Suchet
Musicien.ne.s : Boris Cassone (Guitare) Violeta Coutaz (Clavecin) Lydia Sourial (Orgue)
Voix : Angela Lanteri, Pierre Suchet
Instruments :
Guitare Fender Jaguar & Hasselblad XPAN
Clavecin Neupert modèle Blanchet & Rolleiflex 2.8f Planar
Orgue Merklin (N.D. de Bellecombe,Villeurbanne) & Leica M6
Partition : L’offrande musicale (Thema Regium) – Jean-Sebastien Bach